Au cours des dernières semaines, j’ai lu près d’une vingtaine de livres pour adolescents afin de bâtir un nouvel atelier sur les nouveautés. Parmi mes découvertes, j’ai décidé de vous en présenter trois qui m’ont particulièrement plu : Août 61, Le secret du colibri et La nuit des chats zombies.
Août 61
Sarah Cohen-Scali, autrice entre autres des romans Max et Orphelin 88, propose aux éditions Albin Michel Jeunesse Août 61. Ce roman raconte l’histoire de Ben, 85 ans, qui oublie peu à peu sa propre histoire depuis que ce cher « Al » l’habite. Autant nommer cette maladie — alzheimer — par un prénom quelconque comme celle-ci fait maintenant partie de son quotidien. En souhaitant combattre cette maladie, la mémoire de Ben nous donne accès à son passé, fort douloureux, fragment par fragment. Ce qui frappe d’abord, dès le début de la lecture, c’est ce narrateur fort ingénieux : la mémoire de Ben. L’histoire de Ben sera racontée d’abord par Beniek — 13 ans — pour ensuite être poursuivie par Benjamin — le jeune adulte — et Beni – l’adulte — . Ainsi, le lecteur a accès à différentes versions du même personnage.
À travers les parcelles de souvenir racontées, on prend connaissance d’événements historiques marquants tels que les victimes de la Deuxième Guerre mondiale, le nazisme, la migration de milliers de gens pour survivre, etc. Derrière cette époque de guerre se trouve une pointe d’espoir : l’amour entre Benick et Tuva; amour apparu dès leur première rencontre lorsqu’ils étaient tous les deux à l’orphelinat. Comme Tuva n’était pas juive, contrairement à Benick, et qu’elle était issue d’une union entre une Norvégienne et un Allemand (SS), elle dut retourner en Norvège dans une famille adoptive alors que Benick partait pour l’Angleterre. Ils se sont promis de se retrouver en Allemagne s’ils ne se plaisaient pas dans leur nouveau pays. Des années plus tard, les deux amoureux se sont revus à Berlin. Toutefois, ils seront de nouveau séparés par la construction du mur. Tuva, refusant de suivre Ben, restera du côté de Berlin-Est pour ses convictions politiques. Ce sera la dernière fois que Ben verra sa belle Tuva.
Août 61 évoque notamment le drame des enfants volés par les nazis, ce qui n’a pas souvent été exploité en littérature à mon avis. La mémoire, en plus d’être le témoin de l’histoire, devient un personnage dans le roman. C’est une lecture bouleversante et très intéressante du point de vue historique et politique. En classe, avec vos élèves de 5e secondaire, vous pourriez faire une lecture de type feuilleton où des chapitres devraient être lus et entrecoupés de discussions ainsi que de courtes réflexions écrites. Dans un carnet de lecture, demandez-leur de noter leurs réactions, d’expliquer certaines décisions prises par les personnages principaux et d’y réagir. Comme la narration est très originale, vous pourriez en profiter pour leur demander les effets que cette dernière crée sur l’histoire. Comme prolongement, je vous invite à poursuivre la lecture d’autres livres sur les mêmes thématiques afin de les mettre en réseau ou de vous pencher sur les autres œuvres de l’autrice.
Le secret du colibri
Nouveauté dernièrement parue aux éditions Petit Homme, Le secret du colibri s’inscrit à merveille dans le catalogue de cet éditeur voulant proposer des livres du type young adult. La vie de Jess s’effondre lorsqu’elle apprend la mort de son amoureuse, Vivi. Perdue, Jess revit ses élans de colère qu’elle avait réussi à contrôler au fils des dernières années. Une fois sa thérapeute déménagée, les derniers repères de Jess deviennent de plus en plus absents. Tout ce qui l’entoure est parsemé de hauts et de bas, tant en amitié qu’avec sa famille. Les gens qui l’entourent tentent du mieux qu’ils le peuvent pour aider cette adolescente endeuillée, mais la peine de Jess est omniprésente. Alors qu’elle s’est battue avec un élève de son école à cause d’une mauvaise blague dite à son égard, Jess devra aller quelques semaines dans une école alternative. Heureusement pour elle, elle y rencontrera des personnes qui l’aideront à vivre de mieux en mieux son deuil.
Le secret du colibri est empreint d’un réalisme incroyable, ce qui rend Jess, son deuil et sa relation avec Vivi très humains. En effet, on s’attache à la jeune protagoniste; on croit à son malheur et on souhaite ardemment qu’elle s’en sorte. Abordant des thématiques propres à l’adolescence, comme les premiers balbutiements amoureux, l’amitié, l’impulsivité, les relations familiales et amicales ainsi que la quête identitaire, les adolescents pourront apprécier leur lecture. Malgré le sujet plutôt lourd, la lecture de ce roman reste très agréable. Entremêlant le passé et le présent, le lecteur comprend ce qu’a vécu Jess ainsi que les étapes par lesquelles elle doit passer pour retrouver un certain équilibre.
Toujours pour les élèves du deuxième cycle (je dirais 5e secondaire), la lecture de ce roman pourrait être une belle façon d’aborder l’homosexualité, la différence et l’inclusion. Il s’agit d’un roman psychologique intéressant pour aborder l’évolution des personnages. Les sujets traités sont universels et ne sont pas empreints d’une visée moralisatrice quelconque. Avant la lecture, vous pourriez demander aux élèves d’apporter une explication au titre et, à la fin, de la revoir afin de confirmer ou d’infirmer leurs prédictions. Il pourrait être intéressant d’utiliser des phrases du récit pour travailler des notions grammaticales, de noter des figures de style et de relever des mots constituants certains champs lexicaux autour des thématiques vues.
La nuit des chats zombies
Vendredi 13, soir de pleine lune, Cora Bilodeau reste seule à la maison à regarder des films d’horreur. Nouvellement installée dans un village de campagne, elle n’a pas d’amis. Même Grizzly, son chat adoré, préfère explorer la région plutôt que de lui tenir compagnie. Un cri d’agonie retentit. Grizzly git sur le pas de la porte, grièvement blessé. Si seulement son chat s’était contenté de mourir… Ce soir, à Val-du-Lac, une étrange épidémie transforme les félins en effroyables créatures d’outre-tombe. La nuit s’annonce longue… et sanglante. (ÉD.)
L’auteur, Jocelyn Boisvert, qui a proposé le court roman Les Moustiques (de loin un de mes préférés) récidive avec ce nouveau roman ayant pour point d’ancrage un élément de la vie normale, c’est-à-dire les chats, et le transforme dans un univers apocalyptique. Racontée en une seule nuit, l’histoire défile rapidement sous les yeux d’un lecteur qui ne doit pas être très froussard parce que, oui, la nuit est réellement sanglante, et l’auteur ne minimise pas le choix de mots pour témoigner l’horreur que vivent les habitants de Val-du-Lac.
Je suggère cette lecture pour les élèves de la 2e ou 3e secondaire. Malgré la petitesse du récit en termes de pages, La nuit des chats zombies (Soulières Éditeur) est rempli de rebondissements et de nouvelles problématiques auxquelles devra faire face Cora. Malgré la fin quelque peu simple à mon avis, les élèves aimant moins la lecture ne seront pas déçus. En classe, vous pourrez comparer Les Moustiques et La nuit des chats zombies afin de noter des récurrences en matière de procédés utilisés par l’auteur. Vous pourriez demander aux élèves de retracer le schéma narratif, d’écrire une autre fin ou de composer une nouvelle histoire apocalyptique ayant comme trame de fond un élément de la vie quotidienne.
Pour obtenir la liste complète des livres que j’ai lus et des pistes d’exploitation pour chacun d’entre eux, n’hésitez pas à m’écrire!
Virginie_CP
Comments